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Une coupole
La traite
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l'Espagne
Un encéphalogramme
Alain Poher
Les claquettes
Avouez, cette énumération vous laisse dubitatifs. Qu'est ce
donc? Une liste de courses? Une liste à la Prévert? Une énigme? Un jeu
d'association d'idées? Et bien non, rien de tout cela. Il s'agit en fait des
premières réponses aux questions de l'émission "Questions pour un
champion" du 16 novembre 2012, diffusée sur France 3. Oui mais voilà...
Sans les questions qui vont avec, difficile de savoir de quoi l'on parle n'est
ce pas?
Ceci, je le pense, peut et doit s'appliquer au journalisme,
à la politique et a fortiori au journalisme politique. Trop souvent on nous
présente uniquement les réponses des personnes interrogées, sans d'ailleurs
savoir qu'il s'agit d'une réponse à une question. Et ces réponses, reprises en
boucle, d'un média à un autre, tendent à devenir une déclaration à part entière
plutôt qu'une réponse. "Pourquoi jouer sur les mots?" Me dirait-on, après tout
c'est bonnet blanc et blanc bonnet. Je ne le crois pas. Quand on sort une
phrase de son contexte on loupe toujours quelque chose, on perd toujours un peu
du sens.
Prenons un exemple pour mieux comprendre : celui des
polémiques politiques. Un tel fait une déclaration, un autre réagit à ce
propos, puis un autre, puis un autre, chacun donnant son avis, l'affaire
gagnant l'ensemble de la sphère politique. Est-ce aussi simple? On oublie
souvent, car cela est rarement mentionné, que les réactions sont souvent le
fruit d'une question, par exemple : "Que pensez-vous des déclarations de
Monsieur Untel?". Un premier problème surgit alors : l'homme politique
aurait-il pris position de lui-même si on ne lui avait pas posé la question?
Second problème, la question posée influe-t-elle sur la réponse donnée? Nous
touchons du doigt ici une problématique qui n'est pas sans rappeler celle de l'œuf
et de la poule : savons nous en effet si ce sont les politiques qui se servent
des médias (à des fins politiques donc), ou si ce sont les médias qui se
servent des politiques (pour rechercher le scoop ou faire le buzz)? Autrement
dit, est-ce que le journaliste pousse l'homme politique à prendre position en
posant sa question, ou est ce que l'homme politique se sert des médias comme
tribune en feignant de répondre à une simple question? Et est-ce que la
question posée importe peu, puisque l'homme politique veut avant tout faire
passer un message devant la caméra, ou est-ce que le journaliste cherche à
obtenir une réponse bien précise de l'homme politique en orientant sa question?
C'est un débat qu'à mon sens nous ne sommes pas près de résoudre, car il y a
certainement un peu des deux.
Nous pouvons tout de même affirmer que la question
posée influe sur la réponse et qu'en cela il est impératif de la connaître pour
être bien informé. Quiconque s'intéresse aux méthodes de sondage en conviendra,
la question fait tout. Prenons l'exemple de la conférence de presse de François
Hollande de mardi dernier, et du sondage BVA publié par le Parisien le surlendemain.
Il est tout d'abord intéressant de noter que les questions posées dans ce
sondage ne nous sont pas données, mais se déduisent à peu près des réponses.
"Avez-vous trouvé François Hollande convaincant?". Voici une question
pour le moins vague. Convaincant par rapport à quoi? Sur quel point? Et qu'est-ce que vous entendez par convaincant? Je vais exposer ici une hypothèse
personnelle : Il me semble que plus une question sur un homme politique est
vague ou au contraire plus elle est techniquement compliquée, alors plus elle
revient à demander "Aimez-vous cet homme politique?", ce qui peut fausser largement l'interprétation des résultats. D'autre part,
les instituts de sondage semblent en mesure de prévoir à peu de chose près quel
type de réponse qu'ils pourront obtenir en posant telle ou telle question, et
de choisir en fonction. Voilà qui illustre parfaitement les propos de Woody
Allen dans le titre. Rappelez-vous il y a quelques mois quand Georges
Papandréou, alors à la tête de la Grèce, voulait organiser dans son pays un référendum
sur la sortie de crise proposée par l'Europe, référendum qui n'a finalement pas
eu lieu. Tout le problème résidait alors dans la question que l'on allait (ou pas) poser
aux Grecs. Schématiquement, allait-on leur demander "Etes-vous d'accord
avec les mesures proposées par l'Europe pour sortir de la crise?" ou bien
"Voulez-vous sortir de l'Europe?". Deux questions qui étaient liées
car refuser les mesures de l'Europe c'était alors s'en détacher, mais l'on
pressent bien que les réponses auraient été bien différentes en posant l'une ou l'autre de ces questions.
Tout cela pour dire que pour être bien informé, il faudrait
dans l'idéal préciser partout que telle personne répondait à telle question
quand elle a dit cela. Or cela passe bien trop souvent à la trappe. Parfois on
trouve mentionné "interrogé sur tel sujet, Monsieur X a déclaré...",
mais cela reste rare et encore vague. A ce titre, l'émission qui est, à mon
sens, une des plus honnête à ce sujet reste Le
Petit Journal de Canal+. Certains prétendent qu'ils ne font pas du journalisme,
toujours est-il que lors de leurs micro trottoirs, on entend presque toujours
la question qui est posée aux personnes à qui l'on tend le micro.
Mais pourquoi les questions posées ont-elles ainsi tendance
à disparaître? On serait tenté de penser que cela vient de la multiplication
des formats courts où l'on prétend aller à l'essentiel. L'essentiel, c'est-à-dire ce que
disent les personnes interrogées. On peut penser également que le journaliste
ne considère pas sa question digne d'intérêt, et que seule la réponse compte,
et dans ce cas il aurait bien tort car il est des questions très pertinentes
auxquelles on répond par de la langue de bois. Enfin pourrait penser au
contraire que le journaliste n'estime pas devoir être jugé et/ou critiqué par
l'opinion publique. Et encore une fois il aurait bien tort. Le public a le
droit de considérer une déclaration d'un homme politique brillante ou
complètement idiote, comme il a le droit de juger la question posée, brillante
ou complètement idiote, c'est selon.
Pour conclure je dirais donc que la réponse est oui, mais
quelle était la question déjà?