Qu’il y a-t-il de commun entre la crise européenne et le couple contemporain? En une centaines de pages, Florian Zeller nous ouvre les portes d’une société de la jouissance à l’allure bien tyrannique.
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEjuRUwvLyS8y-PxWwG4b4uNWXtaH0J4JSfz252oE4NLzTusQkGZbT1fQexf1djBARxsggPotySMFOi2BVa8Dq0NOX0Y947kO2jOK6vNHHpx-mtGVtNds8btEgNPizahzX-RlGB2bqR9ooqM/s1600/la+jouissance.jpg)
Passé maître de
l’expression scénique, après six années sur les planches, Florian Zeller
revient avec un nouveau roman à l’accent très théâtral. Construit en trois actes à valeur chronologique, « l’ode à
la joie », « le sacrifice » et « la tyrannie », l’ouvrage fait vivre trois personnages aux
caractères bien distincts: Nicolas, trentenaire aux ambitions artistiques
déçues, Pauline, une
« sentimentale » qui travaille dans une entreprise de cosmétique, et un
chœur à l’accent tragique qui, mêlant anecdotes et faits d’Histoire, raconte la
construction d’une Europe qui nous ressemble.
Tragédie sans en
avoir l’air, ce roman est avant tout celui de la désillusion, vis-à-vis de
l’amour d’abord puis de l’idée européenne. A l’Europe flamboyante des années 70
et 80, au temps où Helmut Kohl et François Mitterrand se prennent « main
dans la main », aux premiers pas d’une histoire amoureuse succède le
moment du sacrifice, une action
nécessaire mais improbable dans une société mue par la jouissance. Au couple
de Pauline et de Nicolas, en profonde déliquescence, répondra la perte de sens
de l’idée européenne dans un monde incapable de considérer l’Autre.
Alors, quand « marcher
ensemble » devient impossible, au moment où d’aucun n’est disposé à faire
de concessions pour l’autre, la crise apparaît. Une crise sentimentale, idéologique
et politique. C’est la tyrannie, celle de la jouissance, qui fait loi. Au bout
de ce chemin, il y a surtout une création, un enfant, venu bien trop tard ou au
contraire bien trop tôt, chez des êtres devenus profondément incapables de
penser à autre chose qu’à leurs propres désirs. Bien loin d’être salvateur,
l’enfant provoque la crise et fait mourir le couple.
De la petite
histoire d’une séparation au
caractère bien banal, Florian Zeller en
fait une chronique contemporaine et l’accroche à la Grande Histoire d’une
Europe qui déçoit. Parce qu’on ne peut plus penser l’autre sans passer par le
filtre de soi-même et parce qu’on ne peut davantage penser l’Europe sans la
montée du nationalisme, il est tout autant devenu impossible de faire un enfant en l’aimant pour
lui-même.
Derrière la tragédie
moderne, l’ouvrage s’adresse à une
nouvelle génération en quête de sens. Tout en interrogeant notre manière de
vivre, il ravive, et pour longtemps, les consciences du monde de demain.
Editions Gallimard
– Sortie en juin 2012 – 160 pages
très bonne critique, ça me donne envie de le lire!
RépondreSupprimer