Ce blog n'a pour autre ambition que de s'arrêter un moment à l'heure où tout va excessivement vite. Comme un arrêt sur image suivi d'un zoom. En somme, il suspend la parole en l'air pour l'inscrire, quelque part, dans l'ère.

lundi 29 novembre 2010

Europe, quand tu nous tiens

« Il nous faut plus d'Europe », Telle est la leçon que les politiques tirent de la crise. Dans la noirceur ambiante de nos quotidiens, le rêve européen paraît renaître. Illusion ou réalité? Comment rêvons nous l'Europe politique...

union-europeenne-bombe-retardement-voie-dange-l-1.1280408167.jpeg

Il est cinq heures. Le soleil est au beau fixe en France et plus aucun nuage ne cache l'enthousiasme des bureaucrates de notre chère Europe. C'est que les choses bougent dans le vieux continent. Un vent de dynamisme semble, en effet, s'être emparés des politiques:Les rencontres aux plus hauts sommets se succèdent et la mesure phare: le déblocage de milliards d'euros en faveur de la Grèce et des pays en difficulté de la zone euro, est finalement lancée .... L' Europe ferait-elle enfin preuve de solidarité, et osons le mot de politique? Dans les faits, deux figures la dominent : Angela Merkel, la chancelière allemande et Wolfgang Schäuble, son ministre des finances. A eux seuls, ils prennent en main l'ensemble de la politique financière de l'Union. Parmi leurs propositions se trouvent entre autres, la suppression des CDS (Credit Default Swapp), l'interdiction des ventes d'emprunts d'états à découvert, ou encore la prise en charge des budgets souverains par l'Union. Ainsi le train des réformes est en marche et C'est l'Allemagne qui en a les commandes. A côté, ses voisins font pâles figures et pourraient même être accusés de plagiat. Nicolas Sarkozy, en est, parmi d'autres,un bel exemple.  En voulant inscrire le taux de déficit public dans la Constitution, il ne fait en effet que suivre les directives de sa partenaire allemande, précurseur de la mesure.

Imprégnés de ce nouveau dynamisme réformateur, certains iraient même jusqu'à rêver d'une Europe puissante, gouvernant les marchés. L' Europe, après soixante ans d'existence, serait-elle enfin arriver au consensus communautaire, à cette « fusion des intérêts » si chère à Jean Monnet? Rien n'est moins sûr.

L'Allemagne, moteur de l'Union?


Si l'Allemagne paraît être le moteur de l'Union, elle est bien seule. Le représentant de la deuxième puissance européenne, Nicolas Sarkozy rencontre de réelles difficultés pour faire accepter sa nouvelle mesure et force est de constater qu'un voile oppressant immobilise actuellement le débat politique français. Quant à la Grande Bretagne, son visage est plus eurosceptique que jamais avec David Cammeron, fraîchement élu à la tête du gouvernement anglais. Dans ces conditions peut-on reprocher à l'Allemagne d'agir seule? Évidemment non. Mais il est toujours possible de critiquer sa méthode. Revenons sur la suppression de ces fameux CDS. Instruments de tarification financière, ces crédits sont aussi des outils majeurs de la spéculation. Dans la matinale de France Inter du 21 mai, Susan Georges, auteur de Leurs Crises, nos solutions, fait une brillante analogie des CDS avec les fraudes à l'assurance. « C'est comme, assure t-elle, la permission de vendre quelque chose qu'on ne possède pas; je prends une assurance sur votre maison, j'y mets le feu, votre maison n'existe plus et je collecte l'assurance... Il fallait les interdire... » . Mais si Angela Merkel semble avoir raison sur le fond, la forme n'y est pas. Ce n'est en effet ni dans les bourses de Paris ou de Francfort que ces crédits pullulent mais dans celles de New York ou de Londres. Conscrite au cadre européen, la mesure risque donc d'être obsolète. Alors certes les politiques se démènent, mais on peut se demander si ils le font dans le bon sens!Il n'y a pas si longtemps un brillant observateur faisait remarquer que, pour la première fois, dans une réforme étatique, en l'occurrence la réforme des retraites, le gouvernement français prenait en compte les humeurs du marché et affichait la volonté de s'y soustraire. Nos dirigeants gouverneraient-ils pour les marchés? Décidément quelque chose ne tourne pas rond en Europe. Je dirais même plus: on marche sur la tête. Un acteur fondamental, en effet, reste muet dans l'échiquier européen. Curieusement il est celui qui pâtit le plus de la crise. Bouche cousue, poing lié, le peuple européen reste dans l'ombre. Pourquoi?

Vers une europe démocratique?


Si l'Europe semble prête à une transformation imminente, elle ne va pas forcément dans le sens de la démocratie . Jamais aujourd'hui l'économie n'a autant dirigé le politique. Aucun principe électoral n'est à attendre des marchés financiers. Ce n'est pas leur but. Mais si les politiques peuvent agir seuls, sans accord ni du peuple ni des principes démocratiques, c'est qu'ils croient celui ci impuissant et inutile. En tant que français, ancien peuple émancipateur, le constat est rude. Alors que résonne encore à nos oreilles la ferveur des journées de 1789, de 1848 ou de 1936, nous sommes perdus dans un quotidien en crise, dans une mondialisation où il nous faut chaque jour lutter pour ne pas perdre un peu plus de ce que nous sommes. Même le mot « révolution » fait rire. Les communistes l'ont trop entaché pour y croire encore. Quant aux termes de « manifestation » ou de «grève générale », ils semblent bon à passer aux oubliettes. Et pourtant si l'on réfléchi bien les ressources ne manquent pas. D'après un récent rapport européen, le continent est plus numérisé que jamais. Par Facebook ou Twister, nous communiquons de l'Adriatique à l'Oural. Imaginez une immense manifestation, à l'image de ces apéros géants, où les gens ne seraient non pas liés par l'envie de boire ou de s'amuser mais par un même projet politique, une même envie de changer d'Europe. De réseau à réseau, le mot passerait et ce ne serait non plus la bureaucratie qui s'installerait dans l'Union mais au contraire une véritable démocratie, soutenu par un mouvement populaire européen. Si un démos doit se créer, il doit le faire rapidement, efficacement afin que le rêve de Jean Monnet ou de De Gaulle sorte de la crise, non pas défiguré mais au contraire vivifié. Alors certes nous pouvons nous morfondre dans nos fauteuils comme nous l'avons fait jusqu'ici. Nous pouvons cyniquement rabattre nos fenêtres. Nous pouvons continuer à râler dans le vide. Mais ne manquerions nous pas quelque chose? Une part de soi? Notre raison d'être?L'espoir...

« Nous ne nous engageons jamais que dans des combats discutables, sur des causes imparfaites. Refuser pour autant l'engagement c'est refuser la condition humaine » Emmanuel Mounier.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire