Ce blog n'a pour autre ambition que de s'arrêter un moment à l'heure où tout va excessivement vite. Comme un arrêt sur image suivi d'un zoom. En somme, il suspend la parole en l'air pour l'inscrire, quelque part, dans l'ère.

lundi 29 novembre 2010

La France à la rue

L'îlot politique, en colère, part manifester dans la rue, ses cheveux teintés de blanc. Mais que va t-il pouvoir faire? L'Europe lui a déjà mis le bonnet d'âne.

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Article publié dans l'Insatiable, journal des étudiants de l'INSA de lyon.


Quoi?! Vous n'y étiez pas! Vous les jeunes, alors que vous êtes les premiers concernés, vous n'avez pas manifestez pour vos futures retraites?! Et on appelle ça des citoyens responsables! Non, mais réagissez, bon sang! C'est deux ans qu'elle a pris la retraite! Toutes les quinzaines de ce mois ci, elle a crié à vos fenêtres et vous n'avez pas entendu. Vous aviez peut être mis des boulkiesses ou pire vous étiez sur Facebook. C'est vrai, votre notion de la réalité en a pu être quelque peu altéré. Ce n'est tout de même pas une excuse. D'autant que vous avez vraiment raté quelque chose. Ce fut grandiose, digne des rassemblements de 1936, de la révolte ouvrière de 1830, et je dirais même plus de la Révolution! Enfin ça, c'est le point de vue de la CGT. La police, quant à elle, se montre beaucoup plus modérée: « De pures bagatelles » affirme t-elle, « quelques centaines de milliers de personnes tout au plus, ça n'a rien d'exceptionnel ». Dans les journaux, le résumé que vous lisez est putôt expéditif: Les rapports de forces en France sont toujours les mêmes, politiques et syndicalistes comptent sur la rue pour faire avancer leur objectif.

Le preux et sa « juste » cause

 


Cependant, une chose, c'est inhabituel, retient votre attention: C'est un titre en gras dans un journal intitulé« Pauvre France, à l'étranger ton image se dégrade ». En le lisant, vous avez des sueurs froides, comme un vague sentiment d'oppression. En fait vous ne vous sentez pas bien du tout et vous vous étonnez: Ce matin l'horoscope était formel, vous auriez dû avoir une santé de fer(Saturne avait en effet déposé les armes devant Jupiter) . A peine ouvert la première page, que l'Europe frappe à la porte, un bâton à la main, la matraque ayant remplacée la carotte. Mais que veut elle? Vous vous approchez, curieux. Il sort de sa bouche comme de longues diatribes plaintives à propos d'une certaine population, d'origine romaine ou quelque chose dans ce genre là, un peu tsigane que vous auriez expulsée sans ménagement, reniant père et mère,hommes et univers. Vous hochez la tête, compréhensif, du genre « Causes toujours, tu m'intéresses. » Cela vous rappelle tout juste un certain 4 septembre quand vos tantes réactionnaires étaient sorties avec leurs banderoles. M'enfin, il ne devait pas être plus de trois ou quatre pecnots, rien de bien impressionnant en somme. L' Europe à pourtant l'air vraiment en rogne. Que faire? Vous essayez de changer de sujet.

 Privilégiés et déprimés 

  

Soudain les retraites vous reviennent en mémoire et vous commencez à déblatérer que le travail est difficile (vous n'en avez pas l'expérience, mais vous en êtes intimement persuadé) surtout à 62 ans (vous n'êtes néanmoins pas pressé d'y arriver). Mais un cri de l'Europe vous stoppe tout net. Selon elle, les français sont des privilégiés qui se languissent six années de plus sur la côte d'azur que leurs concitoyens, sans pour autant pouvoir se le permettre avec leurs 42 milliards de déficit. Elle vous conseille en même temps de fermer la bouche pour ne pas gober les mouches: Ces chers allemands ont déjà prévu leur retraite à 67 ans sans broncher, tout comme les tchèques ou les grecs, et même les espagnols, ce peuple au sang chaud, vont bientôt s'y mettre. Une seule chose vous tracasse: Il ne semble pas que la grève soit vraiment autorisée en Allemagne. De plus les tchèques comme les espagnols ont l'air bien trop déprimés pour dire quoi que ce soit en ces temps d'austérité. Néanmoins vos objections n'ont pas l'effet escompté. Il ne faut qu'une seconde à l'Europe pour se transformer en une terrifiante commission européenne dont les membres ne vous disent absolument rien (normal, est-il nécessaire de vous rappeler que vous ne les avez pas élus?). Sans transition, elle exige que vous vous mettiez au norme, comme tout le monde, sans discuter, car l'économie l'exige. Cela dit, elle vous jette à la rue.C'est un peu fort!Et dans un brusque sursaut démocrate, vous tombez dans les pommes.

La rue, coin favori des français

 


Dans votre inconscience, vous percevez tout de même certaines réalités. La France est un pays né avec la Révolution française, d'une protestation du peuple, de la proclamation de ses libertés sinon réelles, au moins idéales, d'un serment aussi, reliant toutes les couches de la société. Quant à l'Allemagne, elle n'a fait de révolution que par le haut, l'Arbeiterkraft de l'empereur Bismark, dont s'est inspiré Hitler, reste encore dans les mémoires. En Angleterre, le peuple n'a jamais eu de réelle place, le pays préférant la justice dans le commerce (the fairness) à l'égalité de droit des hommes. Alors vous pouvez rejoindre les arguments de l'Europe et obéir aux marchés que vous soyez de droite ou de gauche, mais le constat est fait : Aujourd'hui vous êtes les seuls à pouvoir sortir dans les rues pour sauver sinon les retraites au moins la France et ce qui reste de la fierté d'une Europe unie, au delà des marchés et des conjonctures.
A cet instant vous vous réveillez, refermez le journal et repartez étudier comme si de rien n'était...

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