Ce blog n'a pour autre ambition que de s'arrêter un moment à l'heure où tout va excessivement vite. Comme un arrêt sur image suivi d'un zoom. En somme, il suspend la parole en l'air pour l'inscrire, quelque part, dans l'ère.

dimanche 28 novembre 2010

Wikileaks, nouvelle chimère du journalisme


Ce 28 novembre, le journalisme s'est affublé d'une nouvelle chimère du nom de Wikileaks. Monstrueuse, elle l'est comme toutes les autres, mais sa transparence laisse présager une nouvelle forme d'oppression. Qu'adviendra t-il donc du journalisme sous Wikileaks?
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"Une bête monstrueuse", voici comment Baudelaire définissait la Chimère dans Le Spleen de Paris. Pour éviter le regard de l'homme, elle se campe sur son dos l'enveloppant et l'opprimant de "ses muscles élastiques et puissants". Ce monstre, idéal de nos fantasmes et de nos oppressions, n'omet personne et encore moins le journalisme. Chantre de la liberté d'expression et de la transparence, il en a trouvé une à sa mesure. Mais bien lourde à porter, elle se matérialise et prend forme sous le nom d'un site Wikileaks. Qu'est-elle donc? Virtuelle, elle se veut transparente et porte sa monstruosité dans les failles de la démocratie, grignote à chaque instant les organes officiels des états démocratiques et ouvre la plaie sans ménagement. Ce n'est pas une bête réflichissante, c'est une bête de l'action. A l'inverse du citoyen passif, la bête transparente se veut active, donnant scoup et spectacle sans octroyer pour autant de remède. Elle fait oublier l'ancienne chimère attachée avec fierté au dos du journalisme.

Il fut un temps, le journaliste avait bien pour idéal d'être "l'ami du peuple", le médiateur entre l'état et le citoyen, le chantre de la démocratie. De fait, il s'attachait à défendre une image de lui même en accord avec ses principes: Justicier au grand coeur, redresseur de torts, le journaliste a eu bien des casquettes quelques peu présomptueuses mais aucune ne lui fut préjudiciable. Ses chimères alors se justifiaient dans les mots d'Albert Londres :"Le métier de journaliste est de porter la plume dans la plaie". Pour que cela se fasse,  il fallait un travail d'investigation acharné, de recherche aussi des sources et des auteurs. La plume était alors capricieuse et c'est avec adresse qu'il fallait la manier, faute de quoi le billet restait sans lendemain. Cette chimère a aujourd'hui disparu. Elle ne s'est pas complètement volatilisée mais s'est éteinte, non pas que le journaliste n'en veule plus, mais un certain laissez-aller, une perte de passion journalistique, une perte de sens de la profession à entraîner la déliquescence de la bête. Le journaliste s'est mûré en lui même, ne parlant de démocratie, il a préféré la liberté de la presse et la transparence. Regrettons à jamais cette monstrueuse mais belle chimère d'un autre temps.

Aujourd'hui la bête est Wikileaks, nous l'avons dit. Mais si elle fonde le travail journalistique, elle l'a déjà surpasser, lui faisant perdre son sens et sa légitimité. Car que signifie publier des informations en portant Wikileaks sur son dos? C'est proprement faire du copier-coller. C'est déplacer quelques infimes partie de la bête, choisir les meilleurs morceaux et les faire fructifier dans une analyse rondement menée. Et cela fait partie de la, excusez-moi du terme, nouvelle "mission journalistique. C'est alors que l'homme de plume, cherche, gêné, à faire tomber sa chimère. Il veut légitimer son action. Nous l'avons analyser, disent-ils, avant de vous le donnez, nous avons donc fait preuve de "discernement". Il est néanmoins difficile de ne pas remarquer que la bête, loin de tomber, resserre ses griffes sur son dos et commence à s'étendre, inaltérable et envahissante. Elle n'est plus seulement une simple source dans laquelle le journaliste puise son inspiration, elle est pour ainsi dire la source dans laquelle il se noit.  Wikileaks s'est engouffré dans la brêche que le journalisme avait ouvert entre lui et la démocratie. Il y a apporté la gangraine. il s'est alors fait à la fois son remède, sa raison d'être,son maître et sa chimère.

"Aucun de ces voyageurs n'avait l'air irrité contre la bête féroce suspendue à son cou et collée à son dos, on eut dit qu'il la considérait comme faisant partie de lui-même."Baudelaire A chacun sa chimère Le Spleen de Paris

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